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gracilité fébrile d’un enfant amoureux, et ses gestes prenaient quelque chose de volontaire et de suppliant à la fois.

« Je suis un page épris de la Dogaresse, » disait Lorély. « Elle est si hautainement belle, dans sa gondole dont la proue est incrustée d’or et d’émeraudes !… Je porte sa traîne, et de temps en temps elle laisse tomber sur moi un regard distrait. Et je mourrais si elle négligeait de jeter sur moi cet insouciant regard… »

Parfois, elle se transformait en un petit pâtre grec. Une invisible musique de syrinx s’élevait alors sous ses pas, et ses yeux riaient aux nudités des faunesses. Parfois aussi elle était la longue et triste châtelaine, dont la robe gardait inflexiblement des plis très chastes. Elle s’asseyait, en une pose d’accablement, sur une cathèdre aussi droite qu’une stalle d’église, et, comme si elle eût parlé à sa solitude, elle murmurait très bas des paroles languissantes.