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— Je convoite pour toi un idéal plus haut que le bonheur. Je te veux libre, afin que rien ne te diminue en t’absorbant. Je te veux libre, afin que tu puisses contempler ce qui est au-dessus de toi. Tu es si faible quand tu aimes, ne fût-ce qu’un peu et confusément, comme tu m’as aimée ! Et je crains pour nous le mal que celles-là te feront. »

J’écoutais avec un étonnement troublé cette gravité nouvelle dans sa voix.

« Je songe, » dit-elle, « au passage du géant. L’avenir est semblable à un chemin de montagne qu’il faut creuser dans le rocher. La foule s’arrête, hésitante et stupide, devant les blocs infranchissables. Mais un géant se lève et marche en tête. Il se fraie un héroïque passage à travers les ronces et la pierre. La soif le consume et la solitude l’enfièvre… Il périt avant d’atteindre l’autre versant… Alors l’irrésistible force de toutes ces faiblesses se rue dans la voie qu’il a