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UNE FEMME M’APPARUT…

pondit San Giovanni. « Lassés jusqu’au dégoût, ils rêvent obscurément d’une impossible chasteté. L’ardeur de la solitude les rongera, comme la faim, et les brûlera, comme la soif. »

Elle se recueillit un moment.

« Il y eut autrefois un homme qui se damna pour une femme, » poursuivit-elle. « La férocité sensuelle de son amour le supplicia jusqu’en l’Éternité. Il chérissait l’espoir de retrouver cette femme. Sans répit, il désirait sa venue dans l’Angoisse Ténébreuse. Et, pendant de longues années, il l’attendit.

— Telle est la magnanimité de l’amour, » observai-je, très philosophe.

« Il la revoyait, implacablement belle de toute sa jeunesse. Il haletait vers les lèvres lointaines, ensanglantées de baisers, vers les paupières de pourpre et vers le corps inexprimable. Il se souvenait des soirs mystérieux, et des paroles, et des divins silences.

« Longtemps, il attendit.

« Elle le rejoignit enfin. Elle s’accroupit à ses côtés. L’ombre révéla ce visage, où s’enche-