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UNE FEMME M’APPARUT…

cédèrent dans son existence nuancée. Je m’accoutumai à leur présence odorante, à leur sourire qui me demandait pardon. J’appris à ne leur garder nul ressentiment : elles ne me dérobaient point une tendresse que je n’avais jamais possédée. Je me sentais des indulgences presque amoureuses pour mes rivales. Elles me torturaient si involontairement et avec tant de grâce !

… Je me rappelle sans amertume ces passantes. Elles étaient dissemblablement adorables. J’admirai surtout une Israélite, magnifique comme l’Orient. Sa chevelure était imprégnée d’une odeur de roses fanées et de santal. Bethsabée sans voiles ne fut pas plus victorieusement splendide. Sous la langueur de ses lourdes paupières, sommeillait la violence des voluptés. Elle était presque terrible à force d’être belle.

Une enfant lui succéda, dont le profil et le gazouillis d’oiseau m’attendrissaient. Elle fut bientôt délaissée pour une jeune Anglaise, une âme de petite fille enchâssée dans un corps de déesse.