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UNE FEMME M’APPARUT…

San Giovanni se déroba, évasive et fuyante.

« Vous vous abusez sur l’ambiguïté de cette puérile ferveur… L’ignorance éloignait l’une de l’autre nos bouches trop ingénues.

« J’eus vingt ans avant d’entrevoir la grâce inexprimable des amours féminines, cette blancheur dans la volupté, cette grâce candide dans la tentation. La lecture de Méphistophéla m’ouvrit des jardins insoupçonnés et le chemin d’étoiles inconnues. J’adorais ce livre, malgré le mauvais goût de certains chapitres, où la morale bourgeoise épouse en justes noces le mélodrame populaire. Je compris dès lors que les lèvres incertaines pouvaient s’unir sans dégoût à d’autres lèvres, plus savantes mais non moins timides. Je compris qu’il fleurissait sur la terre de féeriques baisers sans regret et sans remords. Et, avec une anxieuse patience, j’attendis la venue de l’Inespérée…

— Parlez-nous d’elle, San Giovanni… »

Mais, prise d’une pudeur gauche d’éphèbe, la poétesse de Mytilène se détourna, effleurant, de ses mains fébriles, le piano à la basse velou-