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UNE FEMME M’APPARUT…

rendre un jour aussi laide que l’image que tu le façonnes de moi. Crains à force de ne pas me comprendre, de me rendre incompréhensible. Crains, à force de me reprocher mes cruautés, de me rendre cruelle, à force de me blâmer de mon indifférence, de me pétrifier. Une pensée nous fait tant de mal, — et ce que tu penses de moi me fait plus de mal que tu ne te l’imagines, plus que je ne le sais moi-même.

Se peut-il que tout se soit ainsi consommé ? Se peut-il que disparaisse le toi que je m’imaginais, tout ce qu’il y avait de sincère et de passionné dans ton être ?

Ne chercheras-tu désormais que de banales amours, afin d’oublier la passion à laquelle tu sacrifiais toute ton existence ?

Tu n’étreins que pour trahir. Quant à moi, je n’ai jamais encore commis de trahison. En m’accusant de toutes les bassesses, crois-tu te rehausser ? En piétinant les Dieux brisés par tes mains, qu’espères-tu ? Leur grâce mutilée te hantera toujours. Jamais ton faux bonheur n’égalera le dégoût que tu auras de toi-même.