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UNE FEMME M’APPARUT…

silencieux et de ces femmes recueillies, une parole très profonde d’un aveugle, entendue à Tunis, m’est revenue en mémoire « Donnez-moi un peu d’argent, afin d’acheter de la lumière. » Tous, nous oublions que la lumière ne se vend pas. Nous sommes les Aveugles, » ajouta San Giovanni d’une voix assourdie, « et nous épuisons inutilement notre volonté dans l’effort de voir, au lieu de fermer les paupières et de regarder en nous-mêmes. La lumière est en nous et non point au dehors. Nous ne verrons qu’en nous résignant à ne point voir.

— Ah ! contempler ce qui éblouit les prunelles fixes des aveugles ! Entendre les harmonies sanglotantes que les sourds écoutent en extase ! » interrompis-je. « Et surtout rêver le rêve incompréhensible et démesuré des Fous ! La douleur n’a sur eux aucune emprise. Ils vivent dans la splendeur d’une royauté illusoire. D’aucuns pensent être Dieu, et sont en vérité ce qu’ils pensent être. Ils sont énigmatiques et surhumains.

— Tu parles toujours trop, » reprocha Vally.