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LES KITHARÈDES

Le Poète a puissamment chanté. Sa lyre a vibré du souffle impétueux des combats. Sa voix a retenti, comme un harmonieux tonnerre, jusqu’au plus lointain de l’arène. Et le peuple attentif l’a fervemment acclamé.

À son tour, Korinna se lève… Un silence auguste enchaîne la foule. Tous écoutent, comme seuls les Hellènes, perspicaces amoureux de musique et de poésie, savaient écouter… Le soleil teinte de reflets roses les blonds cheveux des vierges. Et les hommes oublient, devant l’art de la Musicienne, la beauté de la femme…

Korinna s’est levée, le front aussi ferme que le front d’un jeune héros aimé des Bienheureux. Elle chante… Elle loue les Dieux bienfaisants et terribles. La volonté des Piérides est en elle. Les vers s’entre-choquent, pareils aux boucliers splendides des Amazones. La multitude qui l’entoure est saisie d’extase…

La Tanagréenne s’est tue… D’un geste de Ménade ivre, elle écarte ses tresses où l’on croit voir bleuir des grappes. Ses paupières s’alourdissent et voilent la stupeur de son regard… La Tanagréenne s’est tue…

La voix unique et multiple de la foule la proclame victorieuse. Des parthènes aux blancs péplos s’approchent en pleurant d’amour et couronnent de noirs lauriers ses tempes glorieuses.

Ses yeux reflètent superbement la cruauté du triomphe. Pareille à une Niké, elle domine le peuple, et ses lèvres