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LA DOGARESSE

Vers la nuit, n’as-tu point frissonné, comme moi,
D’un immense désir dans un immense effroi ?

gemma, s’approchant de la fenêtre.

Le ciel bariolé détruit ses mosaïques,
Il s’effrite, il s’effondre…

la dogaresse.

Il s’effrite, il s’effondre… Ô grave Viola,
N’as-tu point frissonné, quand le soir révéla
Les verts hallucinants et les bleus magnétiques
De l’eau morte, les bleus d’abîmes, et les verts
S’insinuant en nous comme un songe pervers ?
Ah ! l’eau morte !…

viola.

Ah ! l’eau morte !… Mais la stupeur de l’automne ivre !
Le couchant qui s’affirme en des clameurs de cuivre
Et qui s’éteint, plus doux qu’un musical soupir !
Les murs où, comme un sphinx, le soir vient s’accroupir,
Les vignes de la nuit, fiévreuses et funèbres,
Où sourd confusément le vin noir des ténèbres !