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Du vert au violet

était imprécis comme l’espace, et jamais le désir de l’amour n’avait enfiévré la fraîcheur de ses yeux où frissonnait un reflet d’herbe et de feuillages.

Un soir, elle écoutait murmurer la mer éternellement éprise de Mytilène, la mer qui resserre autour de l’Île sacrée sa profonde étreinte, lorsqu’elle entendit chanter une voix amoureuse comme la mer ;

« Viens, Déesse de Kuprôs, et verse délicatement dans les coupes d’or le nektar mêlé de joies. »

Et, lentement, une Femme sortit de l’ombre méditative des arbres et s’arrêta devant l’étrangère en disant :

« Je suis Psappha de Lesbôs. »

Sa chevelure entrelacée d’hyacinthes, sa chevelure aux profondeurs nocturnes, ondoyait sous la brise, et ses yeux, bleus comme l’Égée, insondables et changeants, attiraient ainsi que l’eau très profonde. Elle avait la pâleur de l’herbe que le soleil a décolorée. Ses mains étaient parfumées de violettes, dont elle tressait des couronnes. Sa voix était pareille à la voix de Peithô, la Persuasion qui sert l’Aphrodita et qui entraîne les êtres vers l’amour. Et son sourire avait la douceur lointaine du sourire de Sélanna.