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Du vert au violet

Et la Mer est parée de lumière, la Mer a revêtu sa robe nuptiale, sa robe de soleil.

La Dogaresse pleure au fond du Palais,

Car la Dogaresse est jalouse de la Mer, de l’éternelle Amante qui lui ravit son époux.

— Toi dont les yeux ont la mélancolie des lagunes, toi dont les yeux gardent le reflet des eaux mortes, ô Dogaresse pitoyable et jalouse, écoute-moi,

Je sais les secrets de la Mer.

Elle est ardente et stérile, elle aime l’amour de la Lune et elle méprise l’amour des hommes.

Elle attend avec anxiété l’heure des ténèbres qui doit l’unir à sa mystique Amante.

Lorsque se mêlera leur baiser, tu verras le frémissement et tu entendras la plainte de ta Rivale.

La Lune et la Mer s’aimeront, cette nuit, au profond de l’espace.

Sois donc sans crainte, ô Dogaresse : dès le crépuscule, la Mer te rendra ton époux.

Tu le retrouveras pâle de désir inassouvi, et tu presseras longtemps sur tes lèvres ses lèvres amères.

Mais ne t’épouvante point si ton époux ne te rend plus