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VICTOR

Je suis terriblement intelligent. (S’approchant de Lili et imitant la voix de son père.) Ne pleurez pas, Lili, ne pleurez pas, chère petite fille.

LILI

Victor ! qu’est-ce qui te prend ?

VICTOR, même jeu.

Je vous en supplie ne pleurez pas. Madame veut vous congédier, mais madame n’est rien ici. C’est moi qui suis le maître. D’ailleurs madame m’adore, moins pourtant que je ne vous aime. Je plaiderai pour vous, et j’obtiendrai gain de cause. Je vous le jure. Chère Lili. (Il l’embrasse.) Je vous sauverai. Comptez sur moi, et au petit jour, je vous apporterai moi-même la bonne nouvelle dans votre chambre. Cher agneau de flamme ! Tour du soir ! Rose de David ! Bergère de l’étoile ! (Il se lève d’un bond et se met à crier de toutes ses forces, les bras levés.) Priez pour nous, priez pour nous, priez pour nous ! (Puis il part d’un grand éclat de rire.)

LILI, se parlant à elle-même, rageusement.

Non, non, non. Je partirai, je partirai. Je veux partir tout de suite. Victor est devenu fou. Ce n’est plus un enfant.

VICTOR

Il n’y a plus d’enfants. Il n’y a jamais eu d’enfants.

LILI, même jeu.

Sale maison ! je partirai. Maintenant c’est moi qui veux partir. Je veux partir, et je partirai. Et il n’a que neuf ans. Il promet le Totor !

VICTOR

Je tiens toujours ce que je promets, et tu ne seras pas inquiétée. Reste.

LILI

Non.

VICTOR, reprenant le jeu précédent.

Tu resteras. Vous resterez, ma chère Lili. Image du Ciel. Casque du chat. Tige des Lunes, vous resterez…