Si je pouvais baigner tes cheveux étoilés
Aux cascades du soir où mon désir se pâme ;
Rompre la digue d’ombre où se butte ta flamme,
Boire l’éternité de tes songes voilés
Où gravite mon cœur, belle âme de mon âme !
Mais ta gloire est divine et je suis un néant.
Comment pouvoir pétrir la glaise du génie
Avec des doigts de chair, quand les flots d’harmonie
Ne ruissellent qu’au bord de l’Infini béant,
Où s’accoudent les airs pensifs de Polymnie !
Et pourtant ! et pourtant ! en toi seule j’ai vu
L’astre de ma jeunesse émotive et limpide.
Je gravis tes sommets flambants d’un pas rapide,
Sans retourner la tête et sans regrets, pourvu
Qu’un rayon de tes mains me réchauffe et me guide.
C’est que j’ai bien lutté, vois-tu, sur tes coteaux,
Et dans la brousse humaine et dans les déserts chauves ;
J’ai moissonné l’ivraie et j’ai semé les mauves,
Et j’aurais succombé sans l’orge des gâteaux
Que pour toi j’émiettais dans la gueule des fauves.
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