créer un mode d’expression capable de dépasser l’apparence tangible des choses, une poésie qui, comme la musique, fût apte à l’évocation plutôt qu’à la pure et simple description »[1].
La conscience immédiate, qui est aussi le moi ultime, se transforme en citadelle inexpugnable. À qui lève les yeux vers ses sommets, elle se présente à pic. Des rochers escarpés nous en cachent l’entrée et ce serait folie que de rêver l’assaut du Château intérieur. On n’y pénètre qu’en le contournant. Des chemins couverts serpentent tout autour, ascensionnent la forteresse. D’abord on s’écarte de la base menaçante, on s’avance dans la campagne et l’on tourne le dos au but proposé. Puis des lacets s’offrent, des circuits s’emparent de la marche, allègent l’effort de la montée ; l’ombre des montagnes s’appesantit sur le touriste assoiffé d’idéal. On monte. À un tournant la plaine apparaît, fuyant sous les rampes de la colline. À présent le chemin se rétrécit, il faut s’aider des mains. Par les fissures des rocs étranges qui nous gainent, le corps se glisse. Seul le ciel domine la cheminée. Enfin l’on surgit sur un large plateau. Sans savoir, après bien des zigzags, on est arrivé au cœur même de la citadelle d’où l’œil contemple éperdu l’immensité des mondes.
Ainsi l’intuition ou vision directe du poète mysti-
- ↑ Beaunier. La Poésie nouvelle, p. 20.