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jour, en 1600, je fus brûlé vif à Rome avec Giordano Bruno.

Ce périlleux dédoublement n’allait pas sans m’épuiser. J’ai vu à la Salpétrière des sujets déposer leur sensibilité dans un verre d’eau. Si l’on pique le liquide, les malheureux tressaillent et hurlent ; si l’on jette le liquide, c’est une sérieuse déperdition de calorique constatée chez le patient. Au sortir de ces orgiaques expériences, d’algides frissons m’enveloppaient comme d’un drap mouillé. J’éprouvais quelque difficulté à réintégrer mon moi de tous les jours. Ce dernier semblait étriqué comme une vieille redingote de bourgeois, reléguée au sommet d’une garde-robe, et qu’on n’endosse que les jours de fête. Je me traînais jusqu’à ma chambre, et m’endormais pesamment, en proie à des cauchemars convulsifs.


Cette chambre, à droite du salon, me tendait des bras pitoyables. Elle offrait seule quelques fleurs de mansuétude au pionnier