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l’objet de ma propre hallucination, il me semblait alors que j’avais touché le fond même de la vie, le dernier seuil de l’être, la substance. Je me pensais dans une intuition directe, je n’étais plus produit, mais principe universel, l’égal du cosmos et je pouvais à mon gré me réincarner dans Hume ou dans Hégel. Je ne croyais plus objectiver une doctrine, mais la réaliser dans un acte pur. C’est pourquoi je choisissais mon siècle au fil de ma fantaisie et prenais la forme concrète, animée, de telle ou telle théorie offerte à mon bon plaisir.

Enfant, je lisais Jules Verne, et le soir, dans mon lit, je partais pour la lune ou parcourais le fond de l’océan. Perdu dans mon cabinet de travail, je n’agissais pas autrement avec le Bruno de Schelling ou le Zarathoustra de Nietzsche. Mais avec quelle intensité mon cerveau mimait les gestes d’un génie disparu ! J’évoquais Plotin, comme on évoque un esprit autour du guéridon. J’étais les Ennéades. Un certain