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et leur imposait silence. Il n’était pas jusqu’au sopha recouvert de drap garance qui n’offrit à l’intelligence une franche sécurité. C’était le tabernacle de l’esprit d’analyse.

J’ai pourtant passé là des heures chaudes, vautré sur de complaisants coussins, à écouter les graves déductions d’inoffensifs camarades repliés au bord de la même pensée. Au milieu de ces rêves vécus la nuit s’avançait sans qu’on l’entendît passer. Les lampes s’épuisaient plus vite que nos voix. L’ombre abritait nos fantômes courbés au-dessus d’un tabouret tunisien, aux incrustations de nacre, armé de pipes et de rhum. Mais à travers les ténèbres, nos paroles tombaient lumineuses comme des gouttes de clarté ; nos cerveaux flambaient ; tout notre être resplendissait comme l’intérieur d’une cathédrale un soir de Noël.

Si au cours de la discussion, un texte de Platon ou de Spinoza était contesté, j’allais quérir le volume dans mon cabinet de travail situé à gauche du salon, et le rapportais au