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Un jour, mon père, sans rien dire vous êtes parti. Je suis resté à vous chercher au milieu d’ennemis invisibles, prêts à m’assaillir. J’interrogeais les lieux de nos promenades, nos jeux favoris, les témoins épars de nos leçons délicieuses, tout ce qui pouvait enclore votre mémoire et me tendre votre image. J’ignorais qu’à cette heure votre présence, au lieu de s’éparpiller, venait de se concentrer en ma vie, et qu’après m’avoir conduit à vos côtés dans diverses demeures fleuries, vous alliez habiter en moi pour jamais.

Je pense, aujourd’hui, que vous teniez sans doute à me donner l’exemple de l’ordre, en me devançant dans un chemin inconnu et qu’il fallait que mon éducation sensible se parachevât dans une connaissance réelle de la mort. Votre enseignement consistait à tout me faire toucher du doigt, car vous placiez le grand secret de l’intelligence dans les yeux et au bout des mains. De la sorte, plus je m’enfonçais sous les tonnelles de la na-