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ment, ayant répudié mon ancien principe d’action sans avoir pu fixer ailleurs mon industrie, et je m’ingéniais à me créer une volonté neuve.

Pendant cette fin de novembre, je manquai d’enthousiasme et d’attendrissement. J’étais vaguement ému mais sans confiance, sans extase. Je pense que j’avais honte. Je fuyais la société des voisins.

Enveloppé dans une peau de chèvre et coiffé d’une toque fourrée, je passai le mois de décembre à chausser des skis et à dévaler les pentes des prairies, raidies comme un grand cadavre, sous un linceul de neige rude. Ce fut mon meilleur exercice spirituel. J’y acquis une nouvelle vigueur et de réparer l’usure de mes organes limés par la dent des concepts. Ainsi la nature m’avertit qu’avant de transformer mon intelligence, elle voulait d’abord pénétrer dans mes poumons, et qu’il n’est pas de plus sûr moyen pour se laisser éduquer par l’air de nos montagnes que d’en avoir la saveur plein la bouche.