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les rênes en main, pour retrouver la joie éprouvée jadis lorsqu’on me permettait de conduire.

Pour mieux savourer en silence mon propre spectacle intérieur et observer le retour de mes impressions une à une, je laissai la voiture prendre les devants avec les bagages et m’engageai à pied sur le cours Berriat. Cinq kilomètres ne m’effrayaient plus dès maintenant, et j’avais hâte de sentir comment j’allais me comporter avec la campagne.

Les lumières se firent plus rares ; je pressentis le Drac derrière les peupliers de la digue. Un instant, je l’eus sous mes pieds. Le pont de bois dont on change chaque jour quelques lattes et qui n’a jamais cessé d’être en réparation, me laissa apercevoir, par ses fentes, un tourbillon noir entre deux bancs de cailloux. En me penchant au-dessus du parapet pour deviner la fuite du torrent, je songeais à mes nuits passées loin de ce fracas et les vers de la magnifique Hérodiade de Mallarmé chantèrent dans ma mémoire :