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n’avais tremblé en vous quittant. Un même élan de vie me poussait à regagner cette ancienne sécurité, que j’avais immolée, dans l’espoir de plus hautes satisfactions. À présent l’expérience était concluante ; c’était bien dans mon premier séjour que résidait mon véritable accroissement.

Au matin, je sautai dans le premier train en partance, après avoir télégraphié à François. Tassé dans un coin du compartiment, comme on s’enfonce dans l’oubli, je ne désirais qu’une âme d’enfant. À mesure que la locomotive, après avoir traversé le jour, bondissait au-devant des ténèbres, une nouvelle inquiétude courait à ma rencontre : comment allais-je me retrouver ? Ne serai-je que la proie des fantômes et sombrerai-je encore dans un désespoir, calme cette fois mais non moins annihilant ? Me réveillerai-je avec les goûts fainéants d’un hobereau raté et traînerai-je sur le sol de ma petite patrie un ennui égal à celui de mes camarades demeurés sur le boulevard ? Ou bien