Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de France pesait sur nos têtes et nous ne pouvions heureusement songer à nous prendre toujours au sérieux. Il restait quand même, adhérentes aux racines de nos âmes, quelques mottes du terreau nourricier. Voilà pourquoi on souffrait tant.

Heureuse souffrance, si nous en avions supposé la cause ! L’excès de nos cogitations avait exalté nos désirs sans apporter plus de calme à l’exigence de nos cœurs. Peut-être mourions-nous lentement d’inaction ? Toutes nos énergies latentes, celles sur quoi le raisonnement n’a pas de prise, mais qui palpitent dans nos plus intimes profondeurs, demeuraient désœuvrées, comme des bras sans emploi.

Un soir de juin, après une promenade péripatéticienne autour du bassin du Luxembourg, nous avions échoué sur un banc de l’Avenue de l’Observatoire. Ce lieu désert témoignait de l’amitié à nos paroles, et nous aimions, après le dîner, sentir descendre sur nos épaules la fraîcheur des arbres immobiles,