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dive, le niveau d’eau est resté très élevé, et les nénuphars, dont la tige est relativement courte et qui ne poussent que sur les bas-fonds, ne parvenaient pas à percer. On voyait, sous une mince couche d’eau, des centaines de boutons, à coutures blanches, pareils à de petites têtes au bout de longs cous tendus, mais tendus à se rompre. Tous les jours, les tiges s’allongeaient mais s’effilaient en même temps. Je voyais mes plantes à la limite de l’effort. Leur désir de vivre avait quelque chose d’héroïque. Je disais au soleil qui les attirait : « Soleil, triompheras-tu ? » Et puis, je voyais l’eau qui ne diminuait pas assez vite, et je tremblais : ils n’arriveront pas ; demain je les verrai morts sur la vase… à la fin, le soleil a triomphé. Avant mon départ, toutes les belles fleurs de cire s’étalaient sur l’eau. Voyez-vous, devant cela, je n’ai pu me défendre de réfléchir. Vous, moi, tous les chercheurs, nous sommes de petites têtes noyées sous un lac d’ignorance. Et nous tendons le cou vers une lu-