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avec sa femme, la prostituée ; Nietzsche insultait Wagner. La suggestion n’opérait point toujours : mes fantoches restaient inertes dans mon esprit ; mes livres semblaient très fatigués. Après quelques essais d’exaltation infructueux, je retombais lourdement sur moi-même, brisé, anéanti.

C’était maintenant l’inévitable passage en revue de mes acquisitions intellectuelles, le dénombrement de mes connaissances, l’inspection de mes réserves. De quelle utilité ma science ? Vers quelle fin tendaient mes actes ? Avais-je seulement appris à bien mourir, comme le veut Montaigne ? Je prenais mes pensées à deux mains et je pleurais… Oh ! comme je pleurais ! Le susurement de l’air dans les arbres, un insecte entré par la fenêtre et prisonnier sous la cloche du chapeau de la lampe, le moindre parfum détaché d’un bouquet suffisaient à m’attendrir, à me rappeler les Alpes.

Certes, je ne regrettais rien encore ; je me prenais seulement en pitié. Je maudissais