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dit, et dans sa flotte il choisit deux vaisseaux :
Déjà la rame est prête à sillonner les eaux ;
Ils partent. Tout à coup, ô surprise ! ô merveille !
Une laie et ses fils, tous de couleur pareille,
S’offrent à ses regards sur la rive étendus :
De leur sang aussitôt les flots sont répandus :
« C’est à vous, ô Junon, que j’en offre l’hommage ! »
Ainsi le dieu du Tibre accomplit son présage.
Le fleuve cependant, durant toute la nuit,
De son onde fougueuse a fait taire le bruit ;
Ce n’est plus un torrent, c’est un marais tranquille,
C’est d’un lac endormi la surface immobile ;
Et, sans que les rameurs luttent contre les eaux,
La vague complaisante obéit aux vaisseaux :
Ils poursuivent leur cours, la nef glisse sur l’onde,
Le fleuve les reçoit dans sa forêt profonde.
Surpris de voir troubler leurs bords délicieux,
Le fleuve infréquenté, le bois silencieux
Admirent ces vaisseaux, cette troupe guerrière.
Les rameurs patients, le jour, la nuit entière,
Du courant tortueux suivant les longs détours,
Fendent l’onde docile, ou combattent son cours :