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mirent une richesse inépuisable ; ici, une sage magnificence : là, ils croient voir toutes les inspirations de la nature, qui ont été le fondement de l’art ; ici, toutes les merveilles de l’art qui reproduit et imite fidèlement la nature.

Ce genre de parallèle entre deux grands hommes peut offrir quelquefois des observations ingénieuses ; mais il n’a jamais une exacte justesse. Le sixième livre de l’Eneide prouve seul, contre l’opinion générale, que le don de créer ne manqua point à Virgile. Dira-t-on que la descente d’Énée aux enfers est une copie de celle d’Ulysse ? Mais, en bonne foi, quel rapport peut-on établir entre l’ébauche du poëte grec et le tableau du poëte romain ? Ulysse, dans l’onzième chant de l’Odyssée, voit passer devant lui des ombres confusément évoquées au bord d’une fosse par des cérémonies magiques sans intérêt et sans grandeur ; les morts qu’il interroge sont presque tous étrangers à sa destinée ; ils paroissent et disparoissent sans motif et sans objet ; c’est une véritable fantasmagorie. Homère ne semble même avoir eu que des notions très-vagues sur l’existence future de l’ame et sur le sort des justes et des méchans après le trépas ; il ne montre à l’homme nulle perspective consolante au-delà de la tombe : il trace bien quelques images imparfaites d’une seconde