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Quels qu’ils fussent, Troyens, Grecs, amis, ennemis,
J’ai couru, j’ai volé : mon sort vous est soumis ;
Mais ne me livrez pas à ce peuple effroyable ».
A peine il achevait ce récit incroyable,
Sur la cime du mont nous voyons se mouvoir
Un monstre immense, informe, aveugle, horrible à voir,
Qui, regagnant des mers la rive solitaire,
Cherchait de ses troupeaux le pacage ordinaire,
Posant sa large main sur un tronc sans rameaux :
Seul plaisir qui lui reste en ses horribles maux.
Son troupeau réuni suit sa marche pesante :
Nous remarquons sa flûte à ses côtés pendante.
Il descend, il arrive au bord des flots grondants ;
Là, tout sanglant encore, hideux, grinçant les dents,
Au plus profond des mers, pour laver sa blessure,
Il plonge, et l’onde à peine atteint à sa ceinture.
Tous nos Troyens tremblants soudain sont attroupés ;
On presse le départ, les câbles sont coupés :
On part ; et l’aviron, sous mille mains rivales,
Par le vent secondé, fuit ces rives fatales ;
Avec nous fuit ce Grec devenu notre ami.
Au bruit de ce départ, notre horrible ennemi