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Une poutre à l’instant a crevé l’œil énorme
Qui brillait seul au front de ce monstre difforme.
Moins grand nous apparaît, dans son vaste contour,
Un bouclier d’Argos ou l’œil ardent du jour.
Nous vengeâmes du moins ces ombres malheureuses.
Mais vous, Troyens, fuyez ces cavernes affreuses,
Fuyez ; c’est peu qu’enflant ses sauvages pipeaux,
Occupé d’assembler, de traire ses troupeaux,
Dans son antre effroyable habite Polyphème,
Cent Cyclopes affreux, presqu’autant que lui-même,
Rôdent le long des mers, fendent leurs flots profonds,
Et sous leurs pas pesants font retentir les monts.
La lune a, par trois fois, réparé sa lumière,
Depuis qu’à l’ours cruel disputant sa tanière,
Je traîne dans ces bois mon destin malheureux,
Et que, du haut d’un roc, suivant ce peuple affreux,
J’écoute, en frissonnant, d’une oreille tremblante,
Et leur marche terrible, et leur voix effrayante.
Des herbes, quelques glands, dépouilles des forêts,
Quelques sauvages fruits, voilà mes tristes mets.
Mes yeux des vastes mers parcouraient l’étendue ;
Vos vaisseaux, les premiers, ont consolé ma vue.