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S’avance en nous tendant ses suppliantes mains.
Nous regardons : ses maux dans ses traits sont empreints,
Sa barbe à flots épais descend sur sa poitrine ;
Quelques sales lambeaux que rattache une épine,
Ses cheveux négligés, tout montre un malheureux :
Le reste annonce un Grec. Il approche ; et ses yeux
A peine ont reconnu nos habits et nos armes,
Il s’arrête, il écoute un instant ses alarmes ;
Mais, la crainte bientôt cédant à ses malheurs,
Avec des cris perçants et des ruisseaux de pleurs,
Il s’élance vers nous : « Par ces dieux que j’atteste,
Par ce soleil, témoin de mon destin funeste,
Par ce ciel, par cet air que nous respirons tous,
O Troyens ! me voici ; je m’abandonne à vous ;
Que l’un de vos vaisseaux loin d’ici me transporte,
Dans une île, un désert, où vous voudrez, n’importe.
Je suis Grec, j’ai, comme eux, marché contre Ilion.
Si c’est un attentat indigne de pardon,
Voici votre ennemi, qu’il soit votre victime ;
Frappez, tranchez ses jours, plongez-le dans l’abîme !
Mais ne le laissez point sur ce bord désolé :
Mourant des mains d’un homme, il mourra consolé ».