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Je pleure, je réponds en sons entrecoupés
Par quelques mots sans suite, et sans ordre échappés :
« 0 comble de grandeur, ainsi que de misère !
Non, vous ne voyez pas une ombre mensongère ;
Oui, malgré moi je vis, et pour souffrir encor.
Mais vous, de ce haut rang de l’épouse d’Hector,
A quelle humble fortune êtes-vous descendue ?
Quel sort peut remplacer tant de grandeur perdue ?
Honorez-vous ici la cendre d’un époux ?
Est-ce Hector ou Pyrrhus qui dispose de vous ? »
Elle baisse les yeux ; et s’exprimant à peine :
« Que je te porte envie, heureuse Polyxène !
Ton cœur ne connut pas les douceurs de l’hymen.
Tu péris, jeune encor, sous le fer inhumain.
Mais du moins tu péris sous les remparts de Troie ;
Mais les arrêts du sort qui choisissait sa proie,
N’ont pas nommé ton maître, et, captivant ton cœur,
Mis la fille des rois aux bras de son vainqueur.
Moi, d’un jeune orgueilleux, digne fils de son père,
Souffrant l’amour superbe et la fierté sévère,
J’ai rampé sous un maître, et, par mille revers,
Passé de Troie en cendre à l’opprobre des fers.