Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée

Oui, la même douleur aurait, à la même heure,
Précipité nos jours dans la sombre demeure.
Ma main a donc dressé ce bûcher odieux !
Ma voix pour ton trépas invoquait donc les dieux !
Et par un piège affreux ta cruelle prudence,
Pour assurer ta mort, s’assurait mon absence.
Oui, Didon, tu perds tout par ce noir attentat ;
Et toi-même, et ta sœur, et la ville, et l’état.
Courez, secondez-moi : de l’onde la plus pure
Que j’étanche son sang, et lave sa blessure ;
Et sur sa bouche encor s’il erre un vain soupir,
Que ma bouche, du moins, puisse le recueillir ! »
Vers le bûcher funèbre à ces mots élancée,
Et serrant dans ses bras sa sœur presque glacée,
Elle arrête son sang, la réchauffe.
A ses cris, Didon rouvre en mourant ses yeux appesantis ;
Sa force l’abandonne ; au fond de sa blessure,
Son sang en bouillonnant forme un triste murmure.
Trois fois, avec effort, sur un bras se dressant,
Trois fois elle retombe : et d’un œil languissant
Levant un long regard vers le céleste empire,
Cherche un dernier rayon, le rencontre, et soupire.