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Ce fer à la beauté donné par le courage,
Hélas ! et dont l’amour ne prévit point l’usage.
Ce lit, ces vêtements si connus à ses yeux,
Suspendent un moment ses transports furieux.
Sur ces chers monuments, ce portrait et ces armes,
Pensive, elle s’arrête, et répand quelques larmes ;
Se place sur le lit, et parmi des sanglots
Laisse, d’un ton mourant, tomber ces derniers mots :
« Gages, jadis si chers dans un temps plus propice,
A votre cendre au moins que ma cendre s’unisse.
Recevez donc mon âme, et calmez mes tourments ;
J’ai vécu, j’ai rempli mes glorieux moments,
Et mon ombre aux enfers descendra triomphante.
J’ai fondé, j’ai vu naître une ville puissante ;
Sur un frère cruel j’ai vengé mon époux.
Heureuse, heureuse, hélas ! si, jeté loin de nous,
L’infidèle à jamais n’eût touché ce rivage ! »
A ces mots, sur sa couche imprimant son visage :
« Quoi ! mourir sans vengeance ! Oui, mourons : pour mon cœur
La mort même, à ce prix, la mort a sa douceur.
Que ces feux sur les eaux éclairent le parjure !
Frappons ; fuis, malheureux, sous cet affreux augure ! »