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J’ai reçu si souvent des preuves de ta foi !
Ma sœur, pour le fléchir, je n’espère qu’en toi.
Toi seule sur l’ingrat avais pris quelque empire ;
Dans son âme à toi seule il permettait de lire ;
Seule enfin, près de lui trouvant un doux accueil,
Tu savais du barbare apprivoiser l’orgueil.
Va, ma sœur, va trouver cet ennemi farouche ;
Dis-lui que ma douleur l’implore par ta bouche.
Qu’ai-je fait ? D’Ilion ai-je embrasé les tours ?
Ai-je à ses ennemis envoyé des secours ?
L’Aulide a-t-elle vu, secondant leur furie,
Mes vaisseaux conjurés menacer sa patrie ?
Ai-je sur Ilion arboré mes drapeaux,
Arraché ses aïeux à la paix des tombeaux,
Ou de son père Anchise ai-je outragé la cendre ?
L’ingrat ! et pourquoi donc refuser de m’entendre ?
Pourquoi sitôt me fuir ? Pourquoi vouloir ma mort ?
Hélas ! je n’attends plus qu’il s’unisse à mon sort ;
Je ne réclame plus les saints nœuds d’hyménée ;
Je ne veux plus troubler sa haute destinée ;
Il peut l’aller chercher, ce fortuné séjour,
Cet empire à ses yeux plus cher que notre amour !