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Celle-ci des traîneurs excite la paresse :
Pour le bien de l’état tout agit, tout s’empresse ;
Tous ont leurs soins, leur tâche et leurs emplois divers,
Et d’ardents travailleurs les chemins sont couverts.
Tel était des Troyens le concours unanime.
Et toi, de leur départ malheureuse victime !
Quels étaient tes pensers, quand, presque sous tes yeux,
Tu voyais, de tes tours, ces apprêts odieux ;
Quand des nochers, armés de la fatale rame,
Les cris retentissaient jusqu’au fond de ton âme ?
Amour ! que ton pouvoir tyrannise les cœurs !
Hélas ! il faut encor dans ses folles douleurs
Humilier l’orgueil de cette âme si fière,
Recourir à des pleurs, descendre à la prière,
Et tout tenter au moins avant que de mourir.
« Elise, tu le vois, le traître va me fuir.
Déjà de toutes parts son vil peuple s’attroupe ;
Déjà de leurs vaisseaux ils couronnent la poupe ;
Leur voile attend les vents ; il part, et des rameurs
La barbare allégresse insulte à mes douleurs.
Si j’avais pu m’attendre à ce revers horrible,
Moins imprévu, ma sœur, il serait moins terrible.