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t’arrête ! Hélas ! si tu fuis pour toujours,
Fais moi mourir, ingrat ! sans exposer tes jours.
Vois ce ciel orageux, cette mer menaçante !
Perfide ! est-ce le temps de quitter ton amante ?
Ah ! quand tu n’irais point dans de lointains climats
Chercher un triste exil et de sanglants combats ;
Quand Troie encor du Xanthe ornerait les rivages,
Irais-tu chercher Troie à travers les naufrages ?
Est-ce moi que tu fuis ? Par ces pleurs, par ta foi,
Puisque je n’ai plus rien qui te parle pour moi,
Par l’amour dont mon cœur épuisa les supplices,
Par l’hymen dont à peine il goûtait les délices,
Si par quelques bienfaits j’adoucis ton malheur,
Si par quelques attraits j’intéressai ton cœur,
Songe, ingrat ! songe aux maux où ta fuite me laisse !
Et, par pitié du moins, au défaut de tendresse,
Si pourtant la pitié peut encor t’émouvoir !
Romps cet affreux projet, et vois mon désespoir !
Pour toi de mes sujets j’ai soulevé la haine ;
J’ai bravé tous les rois de la rive africaine ;
J’ai perdu la pudeur, ce trésor précieux,
Qui me rendait si fière et m’égalait aux dieux.