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Dieu du Maure ! ô mon père ! ô souverain du monde !
Sans doute c’est en vain que ton tonnerre gronde !
Et, perdus dans les airs, tes foudres impuissants
D’un frivole murmure épouvantent nos sens.
Une femme exilée erre ici sans asile ;
Par pitié je lui cède un rivage stérile ;
Et c’est elle aujourd’hui qui dédaigne mes feux !
Enée est mon rival et mon rival heureux !
Et tandis que, fidèle aux lois de ma naissance,
Aux pieds de tes autels chaque jour je t’encense,
D’un peuple efféminé ce chef voluptueux,
Qui des parfums d’Asie embaume ses cheveux,
Jouit de sa conquête, et comble ses outrages !
Dieu puissant ! est-ce là le prix de mes hommages ? »
Ainsi parlait Iarbe, appuyé sur l’autel.
Jupiter l’entendit ; et son œil immortel
Se tournant vers les lieux où, pleins de leur tendresse,
Ces amants languissaient dans une molle ivresse :
« C’est trop perdre, dit-il, de précieux moments ;
Va, cours, vole, mon fils, sur les ailes des vents ;
Va du héros troyen réveiller le courage.
Quelle indigne langueur le retient dans Carthage !