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Que servent contre lui les prières, l’encens ?
De ses douces fureurs elle enivre ses sens,
Aime en les combattant ses amoureuses peines :
L’amour vit dans son cœur et brûle dans ses veines.
L’œil égaré, l’air sombre, et les sens agités,
Elle porte au hasard ses pas précipités.
Ainsi, lorsqu’un chasseur a, de son trait rapide,
Atteint, sans le savoir, une biche timide,
En vain elle parcourt et les bois et les champs,
Le fer mortel la suit, et s’attache à ses flancs.
  Le jour Didon conduit son amant dans Carthage,
Lui montre la grandeur de son naissant ouvrage,
Ces murs déjà bâtis, cet asile tout prêt,
Veut lui parler, rougit, s’interrompt et se tait.
Le soir, entretenant le feu qui la dévore,
A de nouveaux festins elle l’entraîne encore,
Veut encor l’écouter, lui fait dire cent fois
Et les mêmes malheurs et les mêmes exploits,
Le suit dans Troie en cendre, et son âme éperdue
Aux lèvres du héros demeure suspendue.
Enfin, lorsque la nuit l’arrache à ce héros,
Lorsque l’ombre paisible invite au doux repos,