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De ne pas achever de déchirer nos cœurs,
Et de n’aggraver pas le poids de nos malheurs :
Il demeure inflexible. Alors, dans ma furie,
Je me voue à la mort... Que m’importait la vie ?
Quel espoir me restait dans ces moments d’effroi ?
« Mon père, m’écriai-je, ah ! que veux-tu de moi ?
Moi fuir ! moi te quitter ! o pensée exécrable !
L’as-tu pu commander ce crime abominable ?
Si d’un peuple proscrit rien ne doit échapper,
Si, pour que le destin n’ait plus rien à frapper,
Tu veux joindre les tiens aux ruines de Troie,
Attends, voici Pyrrhus qui vient chercher sa proie ;
Pyrrhus qui fait tomber, sous le glaive cruel,
Le fils aux yeux du père, et le père à l’autel :
Du meurtre de nos rois encore dégouttante
Bientôt de notre sang sa main sera fumante.
O ma mère ! ô Vénus ! quoi ! ton cruel secours
De la flamme et du fer n’a donc sauvé mes jours
Que pour voir, ô douleur ! ô désespoir extrême !
Dans son dernier abri périr tout ce que j’aime ;
Et mon fils, et ma femme, et mon père, grands dieux !
Dans le sang l’un de l’autre immolés à mes yeux !