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Calchas se tait dix jours : sa pitié ne veut pas
Révéler la victime et dicter son trépas.
Mais enfin, tourmenté par les clameurs d’Ulysse,
D’accord avec le traître, il résout mon supplice.
L’arrêt fut applaudi : ce qu’il craignait pour soi,
Chacun avec plaisir le vit tomber sur moi.
Le jour fatal arrive, et ma mort était prête,
Déjà des saints bandeaux on entourait ma tête,
Déjà brillait le fer. Je l’avouerai, Troyens,
J’échappai de l’autel ; je brisai mes liens ;
Et, caché dans les joncs d’un fangeux marécage,
J’attendis que la Grèce eût quitté ce rivage.
Malheureux que je suis ! jamais mes tristes yeux
Ne reverront ces champs qu’habitaient mes vœux,
Ni mes tendres enfants, ni le meilleur des pères.
Que dis-je ? hélas ! peut-être, ô comble de misères !
Ils expieront ma fuite, hélas ! et de leur sang
Teindront ce fer cruel qui dut percer mon flanc.
Grand roi ! prenez pitié de mon destin funeste ;
Par les dieux immortels, par la foi que j’atteste,
Plaignez mon innocence, épargnez mes malheurs ! »
Trompés par ses discours, attendris par ses pleurs,