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Laocoon, qu’entoure une foule nombreuse,
De loin s’écrie : « O Troie ! ô ville malheureuse !
Citoyens insensés, dit-il, que faites-vous ?
Croyez-vous qu’en effet les Grecs soient loin de nous,
Que même leurs présents soient exempts d’artifice ?
Ignorez-vous leur fourbe, ignorez-vous Ulysse ?
Ou les Grecs sont cachés dans ces vastes contours,
Ou ce colosse altier, qui domine nos tours,
Vient observer Pergame ; ou l’affreuse machine,
De nos murs imprudents médite la ruine.
Craignez les Grecs, craignez leurs présents désastreux :
Les dons d’un ennemi sont toujours dangereux ».
  Il dit ; et, dans le sein de l’énorme machine,
Lance d’un bras nerveux sa longue javeline :
Le trait part, siffle, voie, et s’arrête en tremblant ;
La masse est ébranlée : et dans son vaste flanc,
De ses concavités les profondeurs gémirent.
Les Troyens aveuglés vainement l’entendirent.
Sans cet aveuglement, sans le courroux des dieux,
Dans le perfide abri des Grecs fallacieux
Nous eussions étouffé les complots près d’éclore ;
Et toi, chère Ilion, je te verrais encore !