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Je devrais... mais des flots il faut calmer la rage ;
Un autre châtiment suivrait un autre outrage.
Fuyez, et courez dire à votre souverain
Que le sort n’a pas mis le trident en sa main,
Que moi seul en ces lieux tiens le sceptre des ondes.
Son empire est au fond de vos roches profondes :
Qu’il y tienne sa cour, et, roi de vos cachots,
Que votre Eole apprenne à respecter mes flots ».
  Il dit : et d’un seul mot il calme les orages,
Ramène le soleil, dissipe les nuages.
Les Tritons, à sa voix, s’efforcent d’arracher
Les vaisseaux suspendus aux pointes du rocher ;
Et lui-même, étendant son sceptre secourable,
Les soulève, leur ouvre un chemin dans le sable,
Calme les airs, sur l’onde établit le repos,
Et de son char léger rase, en volant, les flots.
Ainsi, dans la chaleur d’une émeute soudaine,
Quand d’un peuple irrité le courroux se déchaîne,
Déjà par la fureur tous les bras sont armés,
Déjà volent dans l’air les brandons enflammés ;
Mais d’un sage vieillard si la vue imposante
Dans l’ardeur du tumulte à leurs yeux se présente,