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dit : et, du revers de son sceptre divin,
Du mont frappe les flancs : ils s’ouvrent, et soudain
En tourbillons bruyants l’essaim fougueux s’élance,
Trouble l’air, sur les eaux fond avec violence ;
Le rapide Zéphire, et les fiers Aquilons,
Et les vents de l’Afrique, en naufrages féconds,
Tous bouleversent l’onde, et des mers turbulentes
Roulent les vastes flots sur leurs rives tremblantes.
On entend des nochers les tristes hurlements,
Et des câbles froissés les affreux sifflements ;
Sur la face des eaux s’étend la nuit profonde ;
Le jour fuit, l’éclair brille, et le tonnerre gronde ;
Et la terre et le ciel, et la foudre et les flots,
Tout présente la mort aux pâles matelots.
  Enée, à cet aspect, frissonne d’épouvante.
Levant au ciel ses yeux et sa voix suppliante :
« Heureux, trois fois heureux, ô vous qui, sous nos tours
Aux yeux de vos parents terminâtes vos jours !
O des Grecs le plus brave et le plus formidable,
Fils de Tydée hélas ! sous ton bras redoutable,
Dans les champs d’Ilion, les armes à la main,
Que n’ai-je pu finir mon malheureux destin !