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Soit lorsque de ses feux l’occident se colore.
Si, de taches semé, sous un voile ennemi
Son disque renaissant se dérobe à demi,
Crains les vents pluvieux ; leurs humides haleines
Menacent tes troupeaux, tes vergers et tes plaines.
Si de son lit de pourpre on voit l’aurore en pleurs
Sortir languissamment sans force et sans couleurs ;
Si Phébus, à travers une vapeur grossière
Dispersant faiblement quelques traits de lumière,
Semble luire à regret, de leurs feuillages verts
Les raisins colorés vainement sont couverts ;
Sous les grains bondissants dont les toits retentissent,
La grêle écrase, hélas ! Les grappes qui mûrissent.
Surtout sois attentif lorsque achevant leur tour
Ses coursiers dans la mer vont éteindre le jour ;
Du pourpre, de l’azur, les couleurs différentes
Souvent marquent son front de leurs taches errantes :
Saisis de ces vapeurs le spectacle mouvant ;
L’azur marque la pluie, et le pourpre le vent :
Si le pourpre et l’azur colorent son visage,
De la pluie et des vents redoute le ravage :
Je n’irai point alors, sur de frêles vaisseaux,
Dans l’horreur de la nuit m’égarer sur les eaux.
Mais lorsqu’il recommence et finit sa carrière,
S’il brille tout entier d’une pure lumière,
Sois sans crainte : vainqueur des humides autans,
L’aquilon va chasser les nuages flottants.
Ainsi ce dieu puissant, dans sa marche féconde,
Tandis que de ses feux il ranime le monde,
Sur l’humble laboureur veille du haut des cieux ;
Lui prédit les beaux jours, et les jours pluvieux.
Qui pourrait, ô soleil ! t’accuser d’imposture ?
Tes immenses regards embrassent la nature :
C’est toi qui nous prédis ces tragiques fureurs
Qui couvent sourdement dans l’abîme des cœurs.
Quand César expira, plaignant notre misère,
D’un nuage sanglant tu voilas ta lumière ;