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Et des affreux corbeaux les noires légions
Fendent l’air qui frémit sous leurs longs bataillons.

Vois les oiseaux des mers, et ceux que les prairies
Nourrissent près des eaux sur des rives fleuries ;
De leur séjour humide on les voit s’approcher :
Offrir leur tête aux flots qui battent le rocher,
Promener sur les eaux leur troupe vagabonde,
Se plonger dans leur sein, reparaître sur l’onde,
S’y replonger encore, et par cent jeux divers
Annoncer les torrents suspendus dans les airs.
Seule, errant à pas lents sur l’aride rivage,
La corneille enrouée appelle aussi l’orage.
Le soir la jeune fille, en tournant son fuseau,
Tire encor de sa lampe un présage nouveau,
Lorsque la mèche en feu, dont la clarté s’émousse,
Se couvre, en pétillant, de noirs flocons de mousse.
Mais la sérénité reparaît à son tour :
Des signes non moins sûrs t’annoncent son retour ;
Des astres plus brillants ont peuplé l’hémisphère :
La lune sur son char le dispute à son frère ;
On ne voit plus dans l’air des nuages errants
Flotter, comme la laine éparse au gré des vents ;
Ni l’oiseau de Thétis sur l’humide rivage
Aux rayons du soleil étaler son plumage ;
Ni ces vils animaux dans la fange engraissés
Délier des épis les faisceaux dispersés.
Enfin l’air s’éclaircit ; du sommet des montagnes
Le brouillard affaissé descend dans les campagnes ;
Et le triste hibou, le soir au haut des toits,
En longs gémissements ne traîne plus sa voix.
Tantôt l’affreux Nisus, avide de vengeance,
Sur sa fille, à grand bruit, du haut des cieux s’élance :
Scylla vole et fend l’air ; Nisus vole et la suit ;
Scylla, plus prompte encor, se détourne et s’enfuit.