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Les fossés sont remplis ; les fleuves débordés
Roulent en mugissant dans les champs inondés ;
Les torrents bondissants précipitent leur onde,
Et des mers en courroux le noir abîme gronde.
Dans cette nuit affreuse, environné d’éclairs,
Le roi des dieux s’assied sur le trône des airs :
La terre tremble au loin sous son maître qui tonne ;
Les animaux ont fui ; l’homme éperdu frissonne ;
L’univers ébranlé s’épouvante... le dieu,
D’un bras étincelant, dardant un trait de feu,
De ces monts si souvent mutilés par la foudre,
De Rhodope ou d’Athos met les rochers en poudre ;
Et leur sommet brisé vole en éclats fumants ;
Le vent croît, l’air frémit d’horribles sifflements ;
En torrents redoublés les vastes cieux se fondent ;
La rive au loin gémit, et les bois lui répondent.
Pour prévenir ces maux, lis aux voûtes des cieux ;
Suis dans son cours errant le messager des dieux ;
Observe si Saturne est d’un heureux présage :
Surtout aux dieux des champs présente un pur hommage.
Quand l’ombrage au printemps invite au doux sommeil,
Lorsque l’air est plus doux, l’horizon plus vermeil,
Les vins plus délicats, les victimes plus belles,
Offre des vœux nouveaux pour des moissons nouvelles ;
Choisis pour temple un bois, un gazon pour autel,
Pour offrande du vin, et du lait, et du miel :
Trois fois autour des blés on conduit la victime :
Et trois fois, enivré d’une joie unanime,
Un chœur nombreux la suit en invoquant Cérès :
Même, avant que le fer dépouille les guérets,
Tous entonnent un hymne ; et, couronné de chêne,
Chacun d’un pied pesant frappe gaîment la plaine.