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Partout de son empire exila l’indolence.
Il endurcit la terre, il souleva les mers,
Nous déroba le feu, troubla la paix des airs,
Empoisonna la dent des vipères livides,
Contre l’agneau craintif arma les loups avides,
Dépouilla de leur miel les riches arbrisseaux,
Et du vin dans les champs fit tarir les ruisseaux.
Enfin l’art à pas lents vint adoucir nos peines ;
Le caillou rend le feu recelé dans ses veines ;
La terre obéissante et les flots étonnés
Par la rame et le soc déjà sont sillonnés ;
Déjà le nocher compte et nomme les étoiles ;
Des chiens lancent un cerf, le chasseur tend ses toiles ;
La glu trompe l’oiseau ; le crédule poisson
Tombe dans des filets, ou pend à l’hameçon.
Bientôt le fer rougit dans la fournaise ardente ;
J’entends crier la dent de la lime mordante ;
L’acier coupe le bois que déchiraient les coins.
Tout cède aux longs travaux, et surtout aux besoins.

Quand Dodone aux mortels refusa leur pâture,
Cérès vint des guérets leur montrer la culture.
De ces nouveaux bienfaits sont nés des soins nouveaux:
La rouille vient ronger le fruit de nos travaux ;
La ronce naît en foule, et les épis périssent ;
D’arbustes épineux les sillons se hérissent ;
Et Cérès, à côté de ses plus riches dons,
Voit triompher l’ivraie, et régner les chardons.
Tourmente donc la terre, appelle donc la pluie,
Chasse l’avide oiseau, détruis l’ombre ennemie ;
Ou, bientôt affamé près d’un riche voisin,
Retourne au gland des bois pour assouvir ta faim.