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Toutefois, dans le sein d’une terre inconnue
Ne va point vainement enfoncer la charrue :
Observe le climat, connais l’aspect des cieux,
L’influence des vents, la nature des lieux,
Des anciens laboureurs l’usage héréditaire,
Et les biens que prodigue ou refuse une terre.
Dans ces riches vallons la moisson jaunira ;
Sur ces coteaux riants la grappe noircira :
Ici sont des vergers qu’enrichit la culture,
Là règne un vert gazon qu’entretient la nature ;
Le Tmole est parfumé d’un safran précieux ;
Dans les champs de Saba l’encens croît pour les dieux ;
L’Euxin voit le castor se jouer dans ses ondes ;
Le Pont s’enorgueillit de ses mines fécondes ;
L’Inde produit l’ivoire ; et, dans ses champs guerriers,
L’Épire pour l’Élide exerce ses coursiers.

Ainsi jadis le ciel partagea ses largesses,
Lorsqu’un mortel, sauvé des ondes vengeresses,
De fertiles cailloux semant d’affreux déserts,
D’hommes laborieux repeupla l’univers.
Connais donc la nature, et règle-toi sur elle.
Si ton terrain est gras, dès la saison nouvelle
Qu’on y plonge le soc, et que l’été poudreux
Mûrisse les sillons embrasés par ses feux.
Mais si ton sol ingrat n’est qu’une faible arène,
Qu’au retour du bouvier le soc l’effleure à peine.
Ainsi l’un perd l’excès de sa fécondité ;
L’autre de quelque suc est encore humecté.

Qu’un vallon moissonné dorme un an sans culture :
Son sein reconnaissant te paie avec usure :
Ou sème un pur froment dans le même terrain
Qui n’a produit d’abord que le frêle lupin,