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Et l’Anio paisible, et l’Eridan fougueux,
Qui, roulant à travers des campagnes fécondes,
Court dans les vastes mers ensevelir ses ondes.
Mais enfin il arrive à ce brillant palais,
Que les flots ont creusé dans un roc toujours frais :
Sa mère en l’écoutant sourit, et le rassure ;
Les nymphes sur ses mains épanchent une eau pure,
Offrent pour les sécher de fins tissus de lin ;
On fait fumer l’encens, on fait couler le vin.
« Prends ce vase, ô mon fils ! Afin qu’il nous seconde,
Invoquons l’océan, le vieux père du monde.
Et vous, reines des eaux, protectrices des bois,
Entendez-moi, mes sœurs. » Elle dit ; et trois fois
Le feu sacré reçut la liqueur pétillante :
Trois fois jaillit dans l’air une flamme brillante.
Elle accepte l’augure, et poursuit en ces mots :
« Protée, ô mon cher fils ! peut seul finir tes maux.
C’est lui que nous voyons, sur ces mers qu’il habite,
Atteler à son char les monstres d’Amphitrite.
Pallène est sa patrie ; et, dans ce même jour,
Vers ces bords fortunés il hâte son retour.
Les nymphes, les tritons, tous, jusqu’au vieux Nérée,
Respectent de ce dieu la science sacrée ;
Ses regards pénétrants, son vaste souvenir,
Embrassent le présent, le passé, l’avenir ;
Précieuse faveur du dieu puissant des ondes,
Dont il paît les troupeaux dans les plaines profondes.
Par lui tu connaîtras d’où naissent tes revers ;
Mais il faut qu’on l’y force en le chargeant de fers.
On a beau l’implorer ; son cœur, sourd à la plainte,
Résiste à la prière, et cède à la contrainte.
Moi-même, quand Phébus, partageant l’horizon,
De ses feux dévorants jaunira le gazon,
À l’heure où les troupeaux goûtent le frais de l’ombre,
Je guiderai tes pas vers une grotte sombre,
Où sommeille ce dieu, sorti du sein des flots.