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Vous, Aréthuse, enfin, que l’on vit autrefois
Presser d’un pas léger les habitants des bois.
Pour charmer leur ennui, Clymène au milieu d’elles
Leur racontait des dieux les amours infidèles,
Et Vénus de Vulcain trompant les yeux jaloux,
Et le bonheur de Mars, et ses larcins si doux.
Tandis qu’à l’écouter les nymphes attentives
Font tourner leurs fuseaux entre leurs mains actives,
Du malheureux berger la gémissante voix
Parvient jusqu’à sa mère une seconde fois.
Cyrène s’en émeut ; ses compagnes timides
Ont tressailli d’effroi dans leurs grottes humides :
Aréthuse, cherchant d’où partent ces sanglots,
Montre ses blonds cheveux sous la voûte des flots :
« Ô ma sœur ! Tu sentais de trop justes alarmes ;
Ton fils, ton tendre fils, tout baigné de ses larmes,
Paraît au bord des eaux accablé de douleurs ;
Et sa mère est, dit-il, insensible à ses pleurs. »
« Mon fils ! répond Cyrène en pâlissant de crainte ;
Qu’il vienne : et quel est donc le sujet de sa plainte ?
Qu’on amène mon fils, qu’il paraisse à mes yeux ;
Mon fils a droit d’entrer dans le palais des dieux :
Fleuve, retire-toi. » L’onde respectueuse,
À ces mots suspendant sa course impétueuse,
S’ouvre, et, se repliant en deux monts de cristal,
Le porte mollement au fond de son canal.
Le jeune dieu descend ; il s’étonne, il admire
Le palais de sa mère et son liquide empire,
Il écoute le bruit des flots retentissants,
Contemple le berceau de cent fleuves naissants,
Qui, sortant en grondant de leur grotte profonde,
Promènent en cent lieux leur course vagabonde.
De là partent le Phase et le vaste Lycus,
Le père des moissons, le riche Caïcus,
L’Énipée orgueilleux d’orner la Thessalie ;
Le Tibre, encor plus fier de baigner l’Italie ;
L’Hypanis se brisant sur des rochers affreux,