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À l’abri des remparts de sa cité tranquille,
Il va puiser une onde à ses travaux utile ;
Et souvent dans son vol, tel qu’un nocher prudent,
Lesté d’un grain de sable, il affronte le vent.
Ses enfants sont nombreux ; cependant, ô merveille !
L’hymen est inconnu de la pudique abeille :
Ignorant ses plaisirs ainsi que ses douleurs,
Elle adopte des vers éclos du sein des fleurs,
De jeunes citoyens repeuple son empire,
Et place un roi nouveau dans ses palais de cire :
Aussi, quoique le sort, avare de ses jours,
Au septième printemps en termine le cours,
Sa race est immortelle ; et, sous de nouveaux maîtres,
D’innombrables enfants remplacent leurs ancêtres.
Plus d’une fois aussi, sur des cailloux tranchants
Elle brise son aile en parcourant les champs,
Et meurt sous son fardeau, volontaire victime :
Tant du miel et des fleurs le noble amour l’anime !
Quel peuple de l’Asie honore autant son roi ?
Tandis qu’il est vivant, tout suit la même loi :
Est-il mort ? Ce n’est plus que discorde civile ;
On pille les trésors, on démolit la ville :
C’est l’âme des sujets, l’objet de leur amour ;
Ils entourent son trône, et composent sa cour,
L’escortent au combat, le portent sur leurs ailes,
Et meurent noblement pour venger ses querelles.
Frappés de ces grands traits, des sages ont pensé
Qu’un céleste rayon dans leur sein fut versé.
Dieu remplit, disent-ils, le ciel, la terre et l’onde,
Dieu circule partout, et son âme féconde
À tous les animaux prête un souffle léger :